Bite Fighter : baston porno-homo-écolo
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Bite fighter est une BD improbable, le 13e opus de la collection BD Cul des Requins Marteaux dans laquelle chaque volume propose une histoire complète, avec un auteur différent. Pour ce numéro symbolique, c’est Olivier Texier qui s’y colle avec un mélange détonnant de combats en arènes, de pensées écologistes et d’amour, tout cela dans un univers post-apocalyptique ultra viril !


Ce récit de science-fiction se place après la guerre du Golfe de 1972, où le monde industriel — qui avait tant misé sur les énergies fossiles pour sa croissance — se retrouve ravagé, ses ressources épuisées. Il survit désormais au moyen de la permaculture. En Californie, la population s’est tournée vers la nature, sans abandonner son confort de vie. Mais voilà, des irréductibles emploient encore ces polluants, dont le fameux Masked Warrior et toute sa clique.
1991. Le jeune Kato possède un cœur tendre. Pratiquant le kung-fu, il complexe de ne pas être auto-suffisant quant à son potager. Il envie aussi un couple soudé d’amis, Ty (ex-lutteur) et Buzz (ex-catcheur), des jardiniers aguerris, bodybuildés et propriétaires d’une maison 100 % passive. Ils sont toujours pleins de bons conseils pour le jeune adulte : drague, agriculture... Afin de se sentir utile, Kato décide d’aller combattre dans des arènes de free-fight. Pour son premier match, où il représente son quartier, il invite ses amis. Ty l’accompagne, Buzz décline l’offre. Kato s’y prend une belle raclée. La présence d’un adversaire équipé en énergie fossile le déstabilise. Ty est kidnappé et subira les pires sévices anaux. Kato prévient Buzz qui va tenter de le libérer… mais peine perdue. Le cœur de guimauve de Kato s’avère être son talon d’Achille : il se laisse séduire par les hommes virils qui l’entourent. Désormais seul, le jeune héros doit lutter contre les champions de chaque arène dans laquelle on combat autant que l’on baise, afin de retrouver et délivrer Tyler, dans des affrontements brutaux et sanglants, où tous les coups seront permis !

Bite Fighter s’avère une agréable surprise. Sous une apparence de BD torchée à la va-vite, on découvre que l’auteur maitrise les faux mauvais dessins : expression, choix des plans, rien n’est laissé au hasard [1]. La plupart des dialogues sont hilarants au possibles, frisant l’absurde. Le petit format, quant à lui, rappelle les illustrés imprimés sur du papier bon marché comme les collections ElviFrance ou Aredit/Artima. Ce récit d’action porno-homo-écolo se lit vite. La mise en scène efficace, riche en rebondissements foisonne de clins d’œil. Les enjeux clairs sont posés rapidement. L’intrigue de Bite Fighter se calque donc sur un schéma classique de films de baston ou de jeux vidéo : un combattant qui passe d’arène en arène où la puissance de la bite (et de l’amourrrrrr) mène à la victoire. Le bémol vient d’une fin un peu précipitée, un retour à une situation d’équilibre salutaire pour nos héros, pleine de bons sentiments...
Inspiré d’un véritable nanar vidéo-ludique de baston, Pit-Fighter, développé par Atari dans les années 90, Bite Fighter en reprend les personnages hauts en couleur, de Masked Warrior en passant par C.C. Rider, Chainman Eddie… ainsi que leurs design ridicules et gentiment SM pour certains. Il en parodie aussi le logo et le visuel. Il ne manquerait plus que la musique électronique 8 bits pour couronner le tout.

Sous la recherche d'une harmonie mondiale, ce qui fait plus enrager les héros n’est pas tant les agressions sexuelles que peuvent subir certains de leurs compagnons, mais l’emploi des énergies fossiles ! Bite Fighter use du classique et éternel affrontement entre l’éros et le thanatos, avec des personnages débordants de désirs et d’ambitions. Kato s’éprendra même de son violeur auquel il inculquera la valeur de l’amour ! Quant à Ty, il subira un magnifique moment de masturbation prostatique de la part de l’un de ses tortionnaires. Car dans cette histoire, les méchants aussi possèdent des sentiments et les scènes de sexe proposent de l’amour libre consentant où l’on s’affranchit du couple. Ce coulis de virilité cache une seule femme, à barbe, adepte des énergies fossiles et de la civilisation industrielle ainsi qu’un personnage particulier : une shemale [2], femme fatale pourvue d’un pénis qui aide autant Kato qu’elle le trahit… signe de sa nature trompeuse ?

Bite Fighter, comme tous les livres de cette collection, est proposé dans une édition de qualité avec léger relief sur la couverture située sur les parties des messieurs, faisant de cette expérience sensuelle une partie intégrante de la lecture. Des citations, des fausses publicités parsèment les pages : « n° 1 de la BD indébandante », le prix abordable de « touze euros », en vente « partouze »…

Bite Fighter est un délire foutraque complet en 136 planches, brossant un univers post-apocalyptique écologiste intéressant. Une civilisation d’amour libre, de redécouverte de soi et de la nature, le tout emmené par le côté très linéaire des jeux vidéo de baston. Métaphore politique, dérision au millième degré, outrancière et crue, cette BD peut autant être adorée que détestée. L’humour, timide au début de l’histoire, le temps de s’imprégner de l’univers, vire au grotesque au fil des pages. Il en va de même des scènes de sexe. Cette BD n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains, à cause des fornications débridées qui pourraient choquer les moins tolérants ou les réfractaires aux gros plans de fist fucking anal. 

Pour en découvrir plus, Olivier Texier explicite le processus créatif de cette improbable BD de baston sur son blog.


[1] Dans le même genre, je vous renvoie à Mutant Hanako, un manga tout aussi outrancier et faussement mal dessiné qui a été chroniqué sur UMAC.
[2] Il s'agit d'une femme transgenre (homme à la naissance) ayant suivi un traitement hormonal et s’étant fait retirer une partie de sa pilosité, mais n’ayant pas (ou pas encore) subi d’opération chirurgicale visant à transformer son appareil génital.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Univers post-apo homo-écolo
  • De la baston et du cul
  • Improbable mélange qui tient la route
  • Graphisme assumé
  • L'embossage sur les pénis de la couverture
  • Outrancier
  • Fin précipitée
  • Un peu cher
  • La couverture plus laide que les planches !